Celle qui aime le fromage et faire rire (jaune) : entretien avec l’artiste Vanda Spengler
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Vanda Spengler joue avec la nudité mais sans jamais s’en moquer, bien au contraire. Elle « l’utilise » sans le réduire à de la viande à fantasmes. L’artiste crée divers cérémoniaux (parfois inquiétants) en instruisant des liens entre l’imaginaire et le réel. Ses photographies ramènent toujours à la sidération. On pense parfois à Pasolini. D’autant que chez elle l’image fixe recompose le mouvement. L’éros devient un cosmos créé avec considération, grâce et violence. Les femmes ne sont en rien des « roses pourpres du Caire » embarrassées de la lumière de lumignons superfétatoires. La fête — si fête il y a –est souvent froide, voire une féerie glacée d’une bien autre envergure et profondeur. Entre les « modèles » et la créatrice se crée un faisceau énergétique quasi magique. Les images intriguent. Elles créent parfois un ravissement, parfois une terreur. Mais toujours un recueillement. Le rire que Vanda Spengler aime provoquer n’est pas toujours évident. Sauf à celles et ceux qui savent « lire » — au sein même de la scénarisation d’une singularité — l’épouvantable et le drôlerie.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La faim ! Si je n’avais pas un bambin et un emploi, je dirais que souvent rien ne me donne envie de me lever. Je vénère mon lit, je déteste le matin, ce qui est bien dommage vu la qualité de la lumière matinale.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mes rêves de gosse se sont forcément un peu alourdis mais ils restent bien ancrés en moi. Je voulais être réalisatrice de films et faire rire les gens. A peu de chose près, ma vie et mes rêves ressemblent encore un peu à ça.
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé au jusqu’au-boutisme et à une part d’insouciance peut être, à l’inconscience. Je vois le monde dans lequel je vis, je le ressens , je ne le fantasme plus.
D’où venez-vous ?
Je viens d’une famille très aimante et riche humainement. Pleine de névroses de partout mais ne sont-ce pas aussi nos aspérités qui nous rendent touchants et vivants ?
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une bourse pleine d’amour et de champs des possibles.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Manger du fromage.
Qu’est — ce qui vous distingue des autres artistes ?
J’ai déjà du mal à me définir comme tel alors savoir ce qui me distingue des autres… drôle de question!
Comment définiriez-vous votre approche du corps ?
Brute. Primitive. Déséquilibrée.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Mon premier souvenir est un souvenir douloureux : j’étais à grande vitesse sur un tourniquet et je suis tombée. Je me suis blessée. Mes premières images sont donc le sol qui se rapproche de ma tête et l’aiguille qui la recoud à vif.
Et votre première lecture ?
“Charlie et la chocolaterie” de Roald Dahl je crois.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’écoute beaucoup de vieux tubes des années 80, plutôt kitch mais joyeux.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je lis peu…
Quel film vous fait pleurer ?
“Au revoir les enfants” ou “Kramer contre Kramer”
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une enfant qui ne veut pas trop grandir.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A personne. J’ai écris ce que j’avais à dire dès que j’en ressentais le besoin.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’Islande pour son authenticité et sa force.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je me sens surtout proche de l’univers de certains réalisateurs tel que Lars Von trier.
Emil Cioran et Charles Bukowski m’ont aidée et fascinée dans ma jeunesse.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un billet de train utilisable à vie et partout.
Que défendez-vous ?
Je défends le droit de rire de tout et de défendre l’indéfendable.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Lacan était sans doute plus désabusé que moi. L’amour ‚c’est trouver un puzzle de névroses compatibles avec les vôtres.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Risquer de tout vivre quoi qu’il arrive, je trouve ça courageux.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quelle serait votre dernier mot avant de mourir?
Présentation et entretien réalisé par Jean-Paul Gavard-Perret pour lelitteraire.com, le 16 mai 2017.