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La fasterclass de Vanda Spengler

 

La fasterclass de Vanda Spengler

Par Katia Lanero Zamora, auteure (juillet 2016)

Échange SMS:

    « – J’espère que tu as eu ton train cette fois?

    – Oui, je me cache dans les toilettes à chaque fois qu’ils passent et je gémis au téléphone. »

Cette année, à la résidence des Avocats du Diable, j’ai partagé l’étage avec Vanda Spengler.

Elle a accepté d’inaugurer la catégorie « Fasterclass » de ce blog (comme une masterclass, mais en vraiment plus rapide) à laquelle je pense depuis longtemps! Fasterclass sera une sélection d’articles consacrés à  des personnes inspirantes et au message qu’ils transmettraient à l’adolescent ou à l’artiste novice qu’ils étaient.

Voici donc la fasterclass Vanda Spengler. (Propos recueillis autour d’un petit déjeuner après une nuit de chasse au moustique.) (Please don’t juge us.)

Comment en es-tu venue à prendre un appareil photo en mains?

C’est venu par paresse. Petite, je voulais être réalisatrice de films. Quand il a fallu un peu explorer les choses pour voir comment ça allait être possible, ça m’a paru trop compliqué; il y avait trop de choses à apprendre. Je me suis dit « Tiens, pourquoi j’essaierais pas, d’abord de faire un peu de photo, d’apprendre les images, aller vers les gens. »

J’ai commencé quand j’avais 18 ans. Je ne connaissais aucun photographe, je n’ai pas voulu faire d’école. Je considère qu’on peut apprendre avec l’école de la vie, les expériences, mais je ne pense pas que c’est à l’école qu’on apprend le mieux. Les artistes que j’admire le plus sont dilettantes. J’ai du refaire par moi-même sûrement toute l’histoire de la photo, et j’ai sûrement perdu du temps, peut-être, mais c’était mon chemin à moi. Je n’aime pas le communautés, le côté formatant, « appartenir à une école », ça m’aurait peut-être plus éteinte qu’épanouie.

J’avais envie d’explorer des choses, je me suis orientée vers ce qui était le moins fatiguant.

À 18 ans, donc, tu te lances, tu explores… Qu’est-ce qui te fait persévérer? Qu’est-ce qui te fait dire « OK, c’est important, ça dépasse le hobby ou la lubie »?

En premier lieu, dans les premiers temps, les auto-portraits. Ils me faisaient beaucoup de bien, c’était cathartique. Je suis devenue assez fragile à partir du moment où j’ai découvert l’amour. C’était comme si une partie de moi réalisait qu’elle n’était pas complète, qu’elle avait besoin d’un autre. J’ai découvert mes fragilités et la photo m’a beaucoup aidée, m’aide encore aujourd’hui. C’est aussi thérapeutique qu’artistique.

Légitimement, j’ai eu besoin d’un autre regard. Ça ne fait pas longtemps que j’arrive  à dire que je suis photographe. Ça n’est venu qu’à partir du moment où j’ai vendu une œuvre à quelqu’un que je ne connaissais pas, qui avait un intérêt pour mon travail, qui a apprécié ce que je faisais. C’est ça qui m’a fait persévérer.

Je ne sais pas si je me considère comme artiste ou photographe. Pour moi, un artiste c’est quelqu’un qui a besoin de créer tous les jours. Je peux passer un mois sans toucher à un appareil photo. Par contre, pendant ce temps, je ne cesse de penser à mes photos, je contacte mes modèles, je prépare mes séances. Je préfère le terme « artisan », plus humble, lié à une démarche plus dilettante et avec plus de plaisir. Il n’y a pas de souffrance quand je crée. Je ne suis pas quelqu’un qui se met beaucoup de pression.

    Découvrir que j’avais des côtés dépressifs m’a permis de chercher la catharsis dans la photographie.

Ta première expo? Elle t’a marquée?

Ça devait être au bout de cinq ans. C’était dans le bar des parents d’un ami d’enfance. J’ai fait ce qu’il ne faut pas faire:  exposer trop de photos, des séries qui n’ont rien à avoir les unes avec les autres. C’était un style coloré, bariolé, que je n’ai plus du tout! Je cherchais le beau que je ne trouvais pas à l’intérieur de moi. Je cherchais la lumière, la surcharge, la couleur, parce que je me sentais vide et triste. Des femmes très glamour, ambiance boudoir,… l’inverse de ce que je fais maintenant. Je faisais des photos qui plaisaient à plus de gens, parce qu’il y avait un côté connu, rassurant, dans ces photos. J’étais dans la recherche du beau comme on nous l’impose, ce qui n’est plus du tout mon point de vue maintenant. J’ai mis beaucoup de temps à trouver mon univers.

    Quand on dit de ton art, de ton travail, « C’est joli, c’est sympa » ou « c’est cool », globalement, c’est que tu as raté quelque chose. On ne me le dit plus aujourd’hui. Pour moi, je suis en bonne voie.

À l’époque, c’était une façon pour moi de me faire aimer, de faire des photos jolies. C’était déjà très pathologique. Cette première expo, c’était un moment important émotionnellement, mais pas artistiquement.

Du coup, comment s’est faite l’évolution vers ton travail d’aujourd’hui? Lente progression ou rupture brusque?

Lente évolution. Tout est venu du nu. Dès le début, ça me fascinait. Ce n’est qu’au bout de 8 ans que je n’ai voulu faire que du nu. En ayant banni le moindre accessoire, en ayant cessé les compromis avec les modèles, je suis arrivée, pour moi, à la transparence en étant nu. J’ai assumé de ne faire que du nu, bien que je suis encore en train d’explorer d’autres pistes, mais je n’abandonne pas le nu pour autre chose. C’est en parallèle.

    Le point essentiel, c’est que j’ai tenté de redéfinir ma conception de la beauté. Je voulais m’éloigner de l’esthétisation pour m’approcher de la beauté-force, authentique. Mes modèles ont des physiques hors-norme qu’il me suffit de suivre.

Peux-tu nous présenter Robert?

Robert est un mille-pattes. Je l’a acheté dans une animalerie spécialisée en N.A.C (nouveaux animaux de compagnie). Il vient du Cameroun, il mesure 15 cm sur un cm de large, deux de haut, cuirassé, de magnifiques petites pattes. Il a quelque chose qui me fascine. Je cherchais un insecte pour le court-métrage que je prépare. Je retourne à mon tout premier rêve, être réalisatrice. Je tenais à me confronter à ce rêve de petite fille.

J’adore le fantastique, la science-fiction, l’horreur. Donc, mon film est angoissant. Une atmosphère glauque. Moi, qu’est-ce qui me met mal à l’aise? Les invertébrés. Je voulais dépasser cette phobie en « mettant en scène » des insectes. Enfin, « en mettant en scène », je  ne crois pas que je vais diriger Robert, quoi que notre relation évolue et ça commence à assez bien se passer. Il vient sur mon ventre, il est même venu dans mes cheveux hier, et on s’apprivoise. Je vais devoir le filmer avec deux petites filles, et il faut que moi-même je sois à l’aise avec lui. J’ai une fascination pour les insectes, comme pour la viande morte. Je pense qu’il y a un travail à faire autour de ça.

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Autoportrait. Vanda et Robert

Si tu avais des conseils à donner à la Vanda, d’il y a 15 ans, ou à quelqu’un qui commence…

    Sois honnête avec toi-même.

    Sois sincère dans ta démarche, dans ce que tu veux transmettre.

    Assume que ça dit beaucoup de toi et assume de montrer tes failles.

    Mets-toi en danger.

    Sois plein d’audace.

    N’oublie pas qu’on est des saltimbanques et que tout ça est un jeu.

    Et sors de ton lit! Il y a plein de choses qui se passent dehors!

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