La photographie post-mortem et les masques mortuaires étaient des pratiques courantes par le passé pour immortaliser les êtres chers décédés et conserver une trace de leur existence. Ces rites funéraires n’existent presque plus en Occident où la représentation de la mort est depuis devenue un réel tabou. Cela rentre en grande contradiction avec d’autres cultures, ou d’autres temps où la mort fait partie intégrante de la vie. Cela m’a fait réaliser que je n’avais pas osé prendre en photo mes grands parents et arrières grands parents sur leur lit de mort, à regret. Photographierais-je mes parents ? J’ai sans doute commencé cette série de photographies funéraires pour me préparer à leur disparition. Est-on jamais « prêt » à voir disparaitre des bouts de soi ?
J’ai suivi 2 thanatopracteurs afin d’amorcer un témoignage au long cours sur ces sujets si intimes et délicats à aborder, sujets dont on ne parle pas assez, qu’on ne montre pas alors que nous sommes tous destinés à ce dénouement. J’ai eu envie de redonner une place à nos morts.
Il me semble important de proposer un témoignage de ce qu’est la mort en France à notre époque, avec ses codes et ses caractéristiques culturelles. Documenter frontalement la transition du défunt de personne physique à l’état de souvenir. Et ainsi faire possiblement face aux émotions (peur, sidération, répulsion, fascination, chagrin, empathie…) qui accompagnent la vision du corps sans vie.
Le rapport que nous entretenons avec nos morts, le traitement que nous réservons aux dépouilles de nos défunts, décrivent notre société et notre manière de nous penser.
Mais justement où sont nos morts ? Que devons-nous penser d’une société qui dissimule ses morts ?