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09/02/2021
Vanda Spengler : sidérations
Vanda Spengler, « Etre deux », avec Artefact M, Galerie Chardon, Paris, janvier 2021
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Vanda Spengler, « Etre deux », avec Artefact M, Galerie Chardon, Paris, janvier 2021
http://www.lelitteraire.com/?p=31016
Vanda et ses sirènes
Il existe chez Vanda Spengler un art particulier de la “ prise ” . Par ses photographies, la créatrice peut à juste titre se considérer plus comme une artiste de tableaux et d’atelier. C’est pour elle là manière de s’extirper de ce qui a souvent constitué la “ grande ” photographie américaine avide de traquer la réalité de manière journalistique et documentaire.
Pour sa part, Vanda Spengler transforme le réel par la présence de la nudité.. Surgit un jeu entre le réel et l’artifice, entre l’imaginaire et ce qu’il fait sourdre des apparences. La photographe ne nie pas l’idée d’un conditionnement mais en concomitance se crée une imprégnation critique du regard porté sur les sujets où l’érotisme devient une cérémonie du chaos. La « cartographie » des clichés est novatrice. Les nus se transforment, ils servent à traquer par le jeu photographique une sorte d’inconscient.
L’artiste répond à la fameuse phrase de Deleuze dans Psychanalyse morte analysez (paraphrase de la phrase de Beckett « imagination morte imaginez ») : « l’inconscient ce n’est pas un « était » au lieu duquel « je dois advenir ». L’inconscient vous devez le produire ». Vanda Spengler le fabrique à travers ses « intersexions ».
Lire notre entretien avec l’artiste
Jean-Paul Gavard-Perret
http://www.lelitteraire.com/?p=31109
Vanda Spengler joue avec la nudité mais sans jamais s’en moquer, bien au contraire. Elle « l’utilise » sans le réduire à de la viande à fantasmes. L’artiste crée divers cérémoniaux (parfois inquiétants) en instruisant des liens entre l’imaginaire et le réel. Ses photographies ramènent toujours à la sidération. On pense parfois à Pasolini. D’autant que chez elle l’image fixe recompose le mouvement. L’éros devient un cosmos créé avec considération, grâce et violence. Les femmes ne sont en rien des « roses pourpres du Caire » embarrassées de la lumière de lumignons superfétatoires. La fête — si fête il y a –est souvent froide, voire une féerie glacée d’une bien autre envergure et profondeur. Entre les « modèles » et la créatrice se crée un faisceau énergétique quasi magique. Les images intriguent. Elles créent parfois un ravissement, parfois une terreur. Mais toujours un recueillement. Le rire que Vanda Spengler aime provoquer n’est pas toujours évident. Sauf à celles et ceux qui savent « lire » — au sein même de la scénarisation d’une singularité — l’épouvantable et le drôlerie.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La faim ! Si je n’avais pas un bambin et un emploi, je dirais que souvent rien ne me donne envie de me lever. Je vénère mon lit, je déteste le matin, ce qui est bien dommage vu la qualité de la lumière matinale.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mes rêves de gosse se sont forcément un peu alourdis mais ils restent bien ancrés en moi. Je voulais être réalisatrice de films et faire rire les gens. A peu de chose près, ma vie et mes rêves ressemblent encore un peu à ça.
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé au jusqu’au-boutisme et à une part d’insouciance peut être, à l’inconscience. Je vois le monde dans lequel je vis, je le ressens , je ne le fantasme plus.
D’où venez-vous ?
Je viens d’une famille très aimante et riche humainement. Pleine de névroses de partout mais ne sont-ce pas aussi nos aspérités qui nous rendent touchants et vivants ?
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une bourse pleine d’amour et de champs des possibles.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Manger du fromage.
Qu’est — ce qui vous distingue des autres artistes ?
J’ai déjà du mal à me définir comme tel alors savoir ce qui me distingue des autres… drôle de question!
Comment définiriez-vous votre approche du corps ?
Brute. Primitive. Déséquilibrée.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Mon premier souvenir est un souvenir douloureux : j’étais à grande vitesse sur un tourniquet et je suis tombée. Je me suis blessée. Mes premières images sont donc le sol qui se rapproche de ma tête et l’aiguille qui la recoud à vif.
Et votre première lecture ?
“Charlie et la chocolaterie” de Roald Dahl je crois.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’écoute beaucoup de vieux tubes des années 80, plutôt kitch mais joyeux.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je lis peu…
Quel film vous fait pleurer ?
“Au revoir les enfants” ou “Kramer contre Kramer”
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une enfant qui ne veut pas trop grandir.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A personne. J’ai écris ce que j’avais à dire dès que j’en ressentais le besoin.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’Islande pour son authenticité et sa force.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je me sens surtout proche de l’univers de certains réalisateurs tel que Lars Von trier.
Emil Cioran et Charles Bukowski m’ont aidée et fascinée dans ma jeunesse.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un billet de train utilisable à vie et partout.
Que défendez-vous ?
Je défends le droit de rire de tout et de défendre l’indéfendable.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Lacan était sans doute plus désabusé que moi. L’amour ‚c’est trouver un puzzle de névroses compatibles avec les vôtres.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Risquer de tout vivre quoi qu’il arrive, je trouve ça courageux.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quelle serait votre dernier mot avant de mourir?
Présentation et entretien réalisé par Jean-Paul Gavard-Perret pour lelitteraire.com, le 16 mai 2017.
La fasterclass de Vanda Spengler
Par Katia Lanero Zamora, auteure (juillet 2016)
Échange SMS:
« – J’espère que tu as eu ton train cette fois?
– Oui, je me cache dans les toilettes à chaque fois qu’ils passent et je gémis au téléphone. »
Cette année, à la résidence des Avocats du Diable, j’ai partagé l’étage avec Vanda Spengler.
Elle a accepté d’inaugurer la catégorie « Fasterclass » de ce blog (comme une masterclass, mais en vraiment plus rapide) à laquelle je pense depuis longtemps! Fasterclass sera une sélection d’articles consacrés à des personnes inspirantes et au message qu’ils transmettraient à l’adolescent ou à l’artiste novice qu’ils étaient.
Voici donc la fasterclass Vanda Spengler. (Propos recueillis autour d’un petit déjeuner après une nuit de chasse au moustique.) (Please don’t juge us.)
Comment en es-tu venue à prendre un appareil photo en mains?
C’est venu par paresse. Petite, je voulais être réalisatrice de films. Quand il a fallu un peu explorer les choses pour voir comment ça allait être possible, ça m’a paru trop compliqué; il y avait trop de choses à apprendre. Je me suis dit « Tiens, pourquoi j’essaierais pas, d’abord de faire un peu de photo, d’apprendre les images, aller vers les gens. »
J’ai commencé quand j’avais 18 ans. Je ne connaissais aucun photographe, je n’ai pas voulu faire d’école. Je considère qu’on peut apprendre avec l’école de la vie, les expériences, mais je ne pense pas que c’est à l’école qu’on apprend le mieux. Les artistes que j’admire le plus sont dilettantes. J’ai du refaire par moi-même sûrement toute l’histoire de la photo, et j’ai sûrement perdu du temps, peut-être, mais c’était mon chemin à moi. Je n’aime pas le communautés, le côté formatant, « appartenir à une école », ça m’aurait peut-être plus éteinte qu’épanouie.
J’avais envie d’explorer des choses, je me suis orientée vers ce qui était le moins fatiguant.
À 18 ans, donc, tu te lances, tu explores… Qu’est-ce qui te fait persévérer? Qu’est-ce qui te fait dire « OK, c’est important, ça dépasse le hobby ou la lubie »?
En premier lieu, dans les premiers temps, les auto-portraits. Ils me faisaient beaucoup de bien, c’était cathartique. Je suis devenue assez fragile à partir du moment où j’ai découvert l’amour. C’était comme si une partie de moi réalisait qu’elle n’était pas complète, qu’elle avait besoin d’un autre. J’ai découvert mes fragilités et la photo m’a beaucoup aidée, m’aide encore aujourd’hui. C’est aussi thérapeutique qu’artistique.
Légitimement, j’ai eu besoin d’un autre regard. Ça ne fait pas longtemps que j’arrive à dire que je suis photographe. Ça n’est venu qu’à partir du moment où j’ai vendu une œuvre à quelqu’un que je ne connaissais pas, qui avait un intérêt pour mon travail, qui a apprécié ce que je faisais. C’est ça qui m’a fait persévérer.
Je ne sais pas si je me considère comme artiste ou photographe. Pour moi, un artiste c’est quelqu’un qui a besoin de créer tous les jours. Je peux passer un mois sans toucher à un appareil photo. Par contre, pendant ce temps, je ne cesse de penser à mes photos, je contacte mes modèles, je prépare mes séances. Je préfère le terme « artisan », plus humble, lié à une démarche plus dilettante et avec plus de plaisir. Il n’y a pas de souffrance quand je crée. Je ne suis pas quelqu’un qui se met beaucoup de pression.
Découvrir que j’avais des côtés dépressifs m’a permis de chercher la catharsis dans la photographie.
Ta première expo? Elle t’a marquée?
Ça devait être au bout de cinq ans. C’était dans le bar des parents d’un ami d’enfance. J’ai fait ce qu’il ne faut pas faire: exposer trop de photos, des séries qui n’ont rien à avoir les unes avec les autres. C’était un style coloré, bariolé, que je n’ai plus du tout! Je cherchais le beau que je ne trouvais pas à l’intérieur de moi. Je cherchais la lumière, la surcharge, la couleur, parce que je me sentais vide et triste. Des femmes très glamour, ambiance boudoir,… l’inverse de ce que je fais maintenant. Je faisais des photos qui plaisaient à plus de gens, parce qu’il y avait un côté connu, rassurant, dans ces photos. J’étais dans la recherche du beau comme on nous l’impose, ce qui n’est plus du tout mon point de vue maintenant. J’ai mis beaucoup de temps à trouver mon univers.
Quand on dit de ton art, de ton travail, « C’est joli, c’est sympa » ou « c’est cool », globalement, c’est que tu as raté quelque chose. On ne me le dit plus aujourd’hui. Pour moi, je suis en bonne voie.
À l’époque, c’était une façon pour moi de me faire aimer, de faire des photos jolies. C’était déjà très pathologique. Cette première expo, c’était un moment important émotionnellement, mais pas artistiquement.
Du coup, comment s’est faite l’évolution vers ton travail d’aujourd’hui? Lente progression ou rupture brusque?
Lente évolution. Tout est venu du nu. Dès le début, ça me fascinait. Ce n’est qu’au bout de 8 ans que je n’ai voulu faire que du nu. En ayant banni le moindre accessoire, en ayant cessé les compromis avec les modèles, je suis arrivée, pour moi, à la transparence en étant nu. J’ai assumé de ne faire que du nu, bien que je suis encore en train d’explorer d’autres pistes, mais je n’abandonne pas le nu pour autre chose. C’est en parallèle.
Le point essentiel, c’est que j’ai tenté de redéfinir ma conception de la beauté. Je voulais m’éloigner de l’esthétisation pour m’approcher de la beauté-force, authentique. Mes modèles ont des physiques hors-norme qu’il me suffit de suivre.
Peux-tu nous présenter Robert?
Robert est un mille-pattes. Je l’a acheté dans une animalerie spécialisée en N.A.C (nouveaux animaux de compagnie). Il vient du Cameroun, il mesure 15 cm sur un cm de large, deux de haut, cuirassé, de magnifiques petites pattes. Il a quelque chose qui me fascine. Je cherchais un insecte pour le court-métrage que je prépare. Je retourne à mon tout premier rêve, être réalisatrice. Je tenais à me confronter à ce rêve de petite fille.
J’adore le fantastique, la science-fiction, l’horreur. Donc, mon film est angoissant. Une atmosphère glauque. Moi, qu’est-ce qui me met mal à l’aise? Les invertébrés. Je voulais dépasser cette phobie en « mettant en scène » des insectes. Enfin, « en mettant en scène », je ne crois pas que je vais diriger Robert, quoi que notre relation évolue et ça commence à assez bien se passer. Il vient sur mon ventre, il est même venu dans mes cheveux hier, et on s’apprivoise. Je vais devoir le filmer avec deux petites filles, et il faut que moi-même je sois à l’aise avec lui. J’ai une fascination pour les insectes, comme pour la viande morte. Je pense qu’il y a un travail à faire autour de ça.
Autoportrait. Vanda et Robert
Si tu avais des conseils à donner à la Vanda, d’il y a 15 ans, ou à quelqu’un qui commence…
Sois honnête avec toi-même.
Sois sincère dans ta démarche, dans ce que tu veux transmettre.
Assume que ça dit beaucoup de toi et assume de montrer tes failles.
Mets-toi en danger.
Sois plein d’audace.
N’oublie pas qu’on est des saltimbanques et que tout ça est un jeu.
Et sors de ton lit! Il y a plein de choses qui se passent dehors!
http://sexes.blogs.liberation.fr/2014/04/07/ceci-nest-pas-du-cul/
Ceci n’est pas du cul
Par Agnès Giard (7 avril 2014)
Illustration : Vanda Spengler.
Vanda Spengler photographie des corps nus depuis environ douze ans, mais son travail n’a rien d’érotique, dit-elle. Elle affiche ses photos dans des lieux publics, lors d’expositions pirates, pour confronter les gens à cette question : que dévoile REELLEMENT la nudité ?
«Ça te provoque, toi ?». Une femme se tourne vers son mari qui hausse les épaules : «Non.» «Je ne pense pas qu’il y ait un impact sexuel», conclut la femme qui vient de regarder attentivement les photos. La scène se déroule devant le Musée Pompidou. Vanda Spengler y a planté un petit portique à roulettes qu’elle appelle «expo-mobile» et sur lequel sont suspendues des photos qui font tourner l’œil aux passants. Certains, bravement, approchent, attirés par ces images de grappes d’hommes et de femmes enchevêtrés ou entassés dans des décors urbains désertés… Les corps sont photographiés en amas et les séances se déroulent généralement —sans aucune demande d’autorisation— sur des quais, dans des halls de gares, des parkings ou des caves d’immeuble. Il se dégage de ces clichés une beauté un peu effrayante, née du contraste entre l’aspect presqu’animal de ces anatomies tordues, rampantes ou convulsées dans le béton et le décor à l’aspect cauchemardesque : villes mortes, souterrains mal éclairés… Spectacle qui n’est pas sans rappeler certains films d’horreur.
«Ses images ne laissent pas indifférent. Elles produisent adhésion enthousiaste, ou rejet violent. Elles interrogent leurs propres commentaires et ce dialogue fait partie intégrante du travail de Spengler. Ainsi, elle se demande pourquoi certains voient dans ses photos un regard sur le sexe, alors que c’est le corps qui l’intéresse ?». Pour le réalisateur Antoine Desrosières (1) ce que Vanda met à nu —par corps interposés— c’est avant tout sa propre psyché. Dans un documentaire intitulé Vanda Spengler… aura ta peau, projeté en avant-première le mercredi 9 avril, à Paris, il dévoile habilement l’aspect noir, voire torturé, de cette photographe. «D’après elle, le regard que l’on porte sur le nu interroge la relation que l’on porte à nos corps, et n’y voir que le sexe parlerait des limites de notre culture. Ainsi, Spengler est publiée dans des livres représentant l’élite des photographes érotiques (deux éditions du Mammoth Book of the new erotic photography), et elle ne le comprend pas, pensant que la nudité ne saurait suffire à faire l’érotisme, elle qui ne travaille pas sur le désir ».
Non, Vanda ne travaille pas sur le désir, mais sur ce qu’il recouvre et dissimule en ses tréfonds. Ses photos pourraient s’intituler, pour parodier Magritte : «Ceci n’est pas du cul.» Quoi donc alors ? «Moi, j’ai grandi dans une drôle de famille, répond-t-elle. Mon père est éditeur de littérature érotique. Ma grand-mère est Régine Deforges, la première femme éditeur en France —elle ne dirait certainement pas éditrice—, elle aurait trouvé ça con. Elle a eu beaucoup de soucis avec la censure parce qu’elle a publié Histoire d’O et des romans qui étaient soi-disant inacceptables à l’époque. Si j’avais fait des photos érotiques finalement, j’aurais suivi la tradition familiale. Mais non. Je fais du nu. Et ce n’est pas parce qu’il y a du nu qu’il y a lien possible avec l’érotisme ou la sexualité. Le nu pour moi c’est juste être à l’état primitif. Je parle du caractère brut de ce qu’on est, donc moi en fait je m’en fous du cul.» Ceci n’est pas du cul, mais de la violence nue… la violence de ce refoulement collectif qui consiste à faire semblant d’être humain.
Pourquoi portons-nous des vêtements ? Pourquoi est-il si important d’avoir l’air cultivé, sociable, policé ? Il s’agit de masquer ces «pensées parasite», ainsi que les nomme Vanda -pulsions de meurtre ou de suicide- qui nous habitent et parfois prennent corps. Voilà pourquoi les sociétés humaines interposent entre la chair et nous ces filtres culturels que sont les parures, les sourires ou les conventions corporelles. Vanda n’en veut pas. «Marion c’est trop joli !, dit-elle à une modèle qui prend la pause. Un peu plus moche voilà.» Il s’agit pour elle de montrer des «êtres qui s’entre-dévorent, tellement nombriliques et égocentriques, avec beaucoup d’avidité et de désespoir par conséquent : on n’est jamais satisfait et il y a cette espèce de sentiment, un néant de manque de quelque chose que je ne peux définir.» Du magmas des postures, Vanda fait émerger une forme de vérité troublante à voir. Lorsqu’elle dirige ses modèles, elle dit qu’elle veut «des contorsionnements» ou des «mouvements larvaires».
«J’aime cette idée de corps unique que forment plein de corps ensemble.» Pour elle, tout aurait commencé avec le film Human Centipède, «Human Centipède 2, je tiens à le préciser. C’est l’histoire d’un psychotique. Son rêve ultime c’est de coller les gens les gens les uns aux autres à quatre pattes, bouche contre anus.» Pour Vanda, il n’y a pas de gens devant son appareil, mais «un beau tas de corps.» Ces corps sont-ils vivants ou morts ? S’agit-il d’êtres humains ou d’âmes assassinées ? «Vanda incarne ses fantômes», suggère Antoine Desrosières qui voit dans son travail un processus de dépouillement par progressif… arrachement. En 2007, pour faire la couverture d’un livre écrit par un médecin légiste (La parole est au cadavre), Vanda s’est volontairement plongée dans l’univers des morgues. En 2012, lorsqu’elle est tombée enceinte, elle s’est prise en photo nue dans une série baptisée «La bestiole», consacrée au désordre provoqué par cette intrusion. Sur les clichés, on la voit seule, ou dédoublée, se contemplant elle-même avec une sorte de mélancolie : un être comme venu d’ailleurs gonfle son ventre. Telles sont les pulsions qui nous habitent. Et qu’il nous faut mettre au monde, afin de devenir plus humain ?
«Vanda Spengler… aura ta peau», documentaire d’Antoine Desrosières.
(1) Antoine Desrosières a consacré 7 mois de tournage à la réalisation de ce documentaire, en 2013.
Agnès Giard. Auteure de livres, journaliste et docteur en anthropologie, Agnès Giard a d’abord travaillé sur les nouvelles technologies, les artistes underground et la culture populaire japonaise avant de s’intéresser aux sexualités. En 2000, elle devient correspondante du magazine japonais SM Sniper et y collabore pendant plus de dix ans. En 2003, elle publie un livre d’art au Japon : Fetish Mode puis entame une série de recherches qui seront publiés en collaboration avec des artistes contemporains japonais tels que Tadanori Yokoo, Makoto Aida, Toshio Saeki, etc. Son premier ouvrage, L’Imaginaire érotique au Japon, traduit en Japonais, est classé au 4e rang des meilleures ventes de livres étrangers. Suivent un dictionnaire (Dictionnaire de l’amour et du plaisir au Japon) puis un livre de design répertoriant objets de culte, gadgets et sextoys étonnants (Les Objets du désir au Japon). Agnès Giard publie ensuite, grâce à la Villa Kujoyama, une anthologie critique : Les histoires d’amour au Japon. Des mythes fondateurs aux fables contemporaines. Le prochain livre à paraître – fruit de trois ans d’enquête dans le cadre d’un doctorat à l’Université de Nanterre – portera sur les love dolls… prélude à de nouvelles recherches sur le lien entre les poupées, l’amour et la mémoire au Japon. Agnès Giard est maintenant chercheuse rattachée à l’Université de Paris Ouest, laboratoire Sophiapol (EA 3932), groupe de recherches « socio-anthropologie de la sexualité ».
Vanda invitée de France Culture dans l’émission « les carnets de la création » d’Aude Lavigne
http://www.franceculture.fr/emissions/les-carnets-de-la-creation/vanda-spengler-photographe
http://blogs.lexpress.fr/sexpress/
Tous à poil, en photo, Gare de l’Est : Vanda Spengler aura notre peau
(mars 2014)
Enchevêtrements – Vanda Spengler
Tous à poil… Ca fait peur à Jean-François Copé, mais on a tous un corps, caché derrière nos habits. Ce truc qu’on est des milliards à partager sur terre, l’enveloppe qu’on habite, pourquoi doit-elle être choquante ? Pourquoi la cacher ? Peut-on regarder les corps comme des objets, faisant partie d’un paysage ? Pourquoi les seuls corps qu’on a le droit d’afficher dans l’espace public sont les images érotisées des pubs et des magazines ?
A son corps défendant, ce sont toutes ces questions que pose la photographe Vanda Spengler avec son travail. Elle regarde le corps comme un tout dont le sexe n’a pas plus d’importance que le reste, et place ses modèles dénudés dans les forêts, les parkings souterrains, les halls de gare pour en faire des images.
Le nu n’est pas l’érotisme
Dans un fascinant documentaire nommé « Vanda Spengler… Aura ta peau », réalisé par Antoine Desrosières bientôt diffusé en DVD et sur Normandie TV (oui, Normandie TV existe, oui Normandie TV diffuse des documentaires sur des photographes de nu, ça vous épate hein ?), on voit Vanda Spengler à la baguette, entassant les corps de ses modèles en autant de paysages.
« Je suis son travail depuis longtemps. Je suis intéressé par le regard nouveau qu’elle porte sur le corps, et par les questions qu’elle amène à se poser à ses modèles et à son public », dit Antoine. Le corps et l’érotisme, d’abord. Vanda explique qu’elle photographie les corps sans aucun regard sexuel sur eux. Mais voir un nu, cela suscite souvent chez le spectateur un décodage érotique. « Le nu fera toujours écho dans l’inconscient collectif au désir, à l’érotisme, et cela me surprendra toujours! » dit Vanda. « Lorsque je mets en scène les corps, fragilisés, abîmés, dans des postures anti-glamour au possible, je me demande bien comment on peut trouver cela propice au désir… J’ai pris le parti de rester honnête dans ma démarche, dans mon regard, et d’accepter que les spectateurs ne reçoivent pas forcément le bon message. »
Le choc de la peau
Vanda affirme ne pas s’intéresser à la problématique de choquer ou pas les gens avec des corps dénudés. « La nudité fait partie intégrante de mes photos car elle révèle les êtres, ils ne peuvent pas tricher, pas se cacher. Et je ne vois rien de choquant à mon travail, je ne comprends pas lorsqu’on leur affuble ce qualificatif. Dès qu’on ne montre pas le bonheur en image mais une forme de détresse on est choquant, c’est drôle! Moi je suis plutôt choquée par la sur-sexualisation ambiante dans la pub et à la télé et mes images vont à l’inverse de cette expression là, du moins je l’espère. »
Vanda ne s’affirme pas comme une militante… Pourtant, ses séances à l’arrache de prises de vues de groupes de modèles nus dans des lieux publics ont tout pour titiller les autorités et les lois. Les passages les plus savoureux du documentaire sont d’ailleurs ceux où on observe la confrontation du public avec des corps nus qui les surprennent. Certains détournent le regard, d’autres passent comme si de rien n’était, d’autres encore sortent leur téléphone portable pour faire des photos… avant que les garants de l’autorité ne s’en mêlent. Ce qui se termine en général par une expulsion des lieux. Les arguments avancés sont toujours indirects : « le propriétaire ne va pas apprécier», « ça va choquer les enfants », à croire que personne n’est vraiment indisposé par la nudité, c’est pour protéger les autres.
Vanda, un tyran gentil
Les compositions de Vanda ont beau avoir l’air désolé, sombre ou tristes, les spectateurs ne peuvent s’empêcher de les juger à l’aune de leur éventuel niveau d’érotisme. Après une saisissante séquence filmée à Paris, gare de l’Est, en plein jour, lors d’une séance de prises de vue de son tas de corps nus sur un quai et dans le hall, Vanda revient sur le lieu de son crime. Elle trimballe un portant sur lequel elle a accroché ses clichés – elle appelle ça « l’expo mobile ». Se fait virer par un préposé à la sécurité, parce que « vous n’avez pas les autorisations de la SNCF », tiens encore une raison extérieure.
Elle déplace alors son expo mobile plus loin, dans la rue (c’est tout le côté pratique de faire une expo mobile). Les passants, intrigués, vont y voir de plus près. Et de se demander entre eux « ça te choque, toi ? » « euh… moi non… », ou d’évaluer si les clichés sont sexuels ou pas. Comme les films de Lars von Trier, qu’elle cite beaucoup en référence et qui n’a pas son pareil pour révéler les censures, l’art de Vanda ne peut pas être coupé des réactions qu’il suscite dans la société. C’est un tout.
Elle s’interroge aussi beaucoup sur son rapport à ses modèles : doit-on être tyrannique pour obtenir le résultat qu’on désire ? Antoine Desrosières est aussi intéressé par ces questions éthiques que Vanda se pose. « Ces interrogations ne sont pas résolues chez elle, c’est donc spectaculaire à observer. J’aime aussi le décalage apparent qu’il y a entre sa personnalité chaleureuse et exubérante et ses photos qui visitent un monde intérieur sombre. Ce décalage me semble « cinématographique ». Bref, cela fait d’elle un bon sujet de documentaire. »
En tout cas, tant qu’on ne sera pas tous à poil, l’art sombre de Vanda et sa bonne humeur désarmante nous interrogeront.
Vanda Spengler est née en Suisse en 1982 au sein d’une famille fantasque et amoureuse des mots. Sa grand-mère est la romancière féministe Régine Deforges. « Elle m’ a transmis un certain goût de la transgression et de la liberté d’expression. La nudité a toujours été simple, le rapport au corps sans tabous . J’ai su très tôt que l’image serait mon médium de prédilection. » Passionnée de cinéma, c’est à travers ce prisme qu’elle a découvert la photographie. Avançant seule dans cette nouvelle discipline, le Narcisse à vif, elle explore l’autoportrait, nue. Le besoin de capter les autres corps dans ce qu’ils ont de plus brut et déséquilibré s’est imposé à elle. Son combat consiste désormais à mettre en lumière la diversité de ces corps.
Pour me contacter: vanda.spengler@gmail.com
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D’un travail introspectif autour de l’intime, la solitude et la quête d’identité, la pratique de la photographie de Vanda Spengler a évolué ces dernières années vers l’étude du corps et le rapport à soi et aux autres. Dans un univers fantasmé, souvent inquiétant, Vanda Spengler met en scène les rapports de force, les pulsions, les peurs qui se caractérisent, selon elle, par une déshumanisation croissante.
Particulièrement touchée par le travail d’Antoine d’Agata et du peintre Jean Rustin, ses derniers travaux portent sur l’enchevêtrement des corps, où les chairs amoncelées sont autant de formes désarticulées, sans artifices.
From an introspective work around intimacy, loneliness and self quest/self exploration, Vanda Spengler’s photography has evolved these past few years towards the study of the body and the relationship to the self and to others. In an often disturbing world of fantasy, Vanda Spengler stages/demonstrates power relations, instincts/pulses, fears which are, according to her, characterized by an increasing dehumanization.
Particularly inspired by Antoine d’Agata’s photograph and Jean Rustin’s paintings, her latest work has focused on tangled up bodies, where the piled up masses of flesh are so many unconnected, unadorned shapes.
Juillet 2023 : Pré-sélectionnée pour le Prix Mentor Freelens à Arles
Avril 2023 : Exposition collective avec Action Hybride à la galerie Nocte, Paris.
– Dreams of Childhood, GalleryX, Dublin.
Mars 2023 : participation à ArtJacking sur Arte
Septembre 2022 : Curation de l’exposition collective Carcasses au 100esc , Paris.
Juin 2022 : SALO, salon du dessin érotique, curation par Laurent Quénéhen
Avril 2022 : Expolaroïd
Janvier 2022: Publication dans GONZINE de Sarah Fisthole
Septembre 2021: Création du festival photographique et performatif « Eléphant in the room », en collaboration avec les éditions Corridor Eléphant.
Août 2021: Publication du livre « Origines » aux Editions de l’oeil.
Juillet 2021 : Exposition Salo, commissariat par Laurent Quénéhen. Paris
Juin 2021 : Article dans Area Magazine.
Avril 2021 : publication d’une estampe aux Editions Jannink.
Février 2021: Article dans « De l’art helvétique contemporain » par Jean-paul Gavard Perret
Janvier 2021: Exposition à la galerie Chardon à Paris.
Décembre 2020 : Publication de « Carcasses » avec Jacques Cauda, Elizabeth Prouvost et Jean-Paul Gavard Perret aux éditions Associations Libres.
Octobre 2020 : Festival Graind’Pixel à Besançon.
Septembre 2020: Article dans la revue Persona.
Août 2020: Exposition collective « Carmina » à la Little Big Galerie à Paris.
Février 2020 : Exposition » Je suis mon corps, je suis ma mémoire » avec mon collectif Action Hybride au 59, Rivoli à Paris.
Janvier 2020 : Exposition solo de ma série « Origines » à la galerie l’Aberrante à Montpellier.
Décembre 2019 : Publication de ma première monographie « Frontières Invisibles » aux éditions Corridor Eléphant.
Août 2019: Publication de ma série « Mater Dolorosa » dans l’Oeil de la Photographie.
Juillet 2019 : « L’Impromptue » – Exposition collective à Arles à la galerie l’Odyssette avec mon collectif Action Hybride.
Mars 2019 : Publication de ma série « Blocs de Chair » et interview dans NIEPCEBOOK » Genres, cultures, sociétés » chez Corridor Elephant.
Novembre 2018: » Fleischeslust Festival, The kinky Festival », exposition collective avec Laurent Benaïm à Berlin.
Octobre 2018: « Des sexes et des femmes », exposition collective au 59, Rivoli à Paris. (commissariat d’exposition par Juliet Drouar)
Septembre 2018 : » g\’il.les\ », commissariat avec Louise Dumont et Louise A. De Paume, exposition collective au 59, Rivoli à Paris.
Juillet 2018 : « Sillons » aux Voies Off des Rencontres Photographiques d’Arles à La Boucherie.
Mai 2018 : Publication de ma série « Blocs de Chair » dans THE OPERA MAGAZINE (collection dirigée par Matthias Straub).
Mars 2018 : « Blocs de Chair » , exposition solo à la galerie l’Aberrante à Montpellier.
Février 2018 : Création d’une affiche pour l’association Act-Up.
Décembre 2017 : « Les Immontrables », Exposition collective, Le Lab à Marseille.
Septembre 2017 : « Ce que les corps racontent », exposition collective avec Françoise Simpère et Madeleine Froment au 59, Rivoli à Paris.
Juillet 2017: « Pietàs Profanes » aux Voies Off des Rencontres Photographiques d’Arles, La Boucherie.
Juin 2017: Exposition au Cabinet des Curieux à Paris.
Avril 2017: Parution du recueil photographique « Blocs de Chairs », Editions Crocs Electriques.
Mars 2017: « NAKED! Prologue à l’éveil » exposition photographique et littéraire immersive, autour des violences faites aux femmes. Commissaire d’exposition: Julia Parisel. Gare XP.
Novembre 2016: Exposition collective « Nos Chairs » , Rencontres Parisiennes de la Photographie Contemporaine au Marché Dauphine, Saint Ouen
Septembre 2015 : Interview dans « Les Carnets de la Création » d’Aude Lavigne sur France Culture
Août 2015 : Publication de 12 photos dans « L’entrepôt magazine »
Juillet 2015 : Article de Pierre-Jérôme Adjedj dans la revue d’arts « Cassandre – Hors Champs »
Depuis Février 2015 : Collaboration régulière au magazine érotique « Le Bateau »
Février 2014 : « Vanda Spengler…aura ta peau », documentaire d’Antoine Desrosières, autour de ma démarche photographique (production Les Films en hiver)
2012 : Procréation au sens propre et au sens figuré ((voir série « La Bestiole »)
Juin 2011: Exposition solo de la série « Epidermes » à la Galerie David Guiraud, 75003, Paris
Novembre 2010: 8 photos dans « The Mammoth Book of New Erotic Photography » par Maxim Jacubowski
Février 2009: Parution de 2 photos dans « 1979-2009, 30 ans d’érotisme » chez Hugo
Novembre 2008 : Reportage consacré à mon travail dans l’emission « En attendant minuit » sur TPS Septembre
Naissance le 12/08/1982 à Genève
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